Dans son mémoire de maîtrise en service social, Annie Marchand s'intéresse à la quête de reconnaissance des agricultrices et agriculteurs au sein des fermes familiales. |
21 mai 2009
François Parenteau
L'agriculture québécoise se transforme. Les agriculteurs, devenus des chefs d'entreprise, vivent des changements sur les plans professionnel, social et familial. Dans son mémoire Quête de la reconnaissance des agricultrices et des agriculteurs au sein de la ferme familiale, Annie Marchand, étudiante à la maîtrise en service social, s'est intéressée à ce métier où les gens se sentent souvent peu reconnus et luttent pour sortir de l'ombre.
Au cours de l'automne 2008, Annie Marchand a rencontré 12 agriculteurs et visité 10 fermes, toutes localisées dans le secteur de Frontenac, près de Lac-Mégantic, en Estrie. La recherche tient compte du quotidien et du vécu des agriculteurs.
«Trop souvent, l'analyse de l'agriculture évacue les sujets pour ne tenir compte que de la dimension économique», explique celle qui doit déposer son mémoire le 21 mai. «Or il y a une quête à ne pas être perçu uniquement comme un objet, soit l'agriculteur qui produit, mais comme un sujet, un père ou une mère de famille, un citoyen du monde membre d'une communauté rurale.»
Actuellement, deux modèles de développement agricole prévalent : un modèle axé sur un libre marché, où l'agriculture devient une marchandise commune, et un modèle orienté vers le développement durable et une agriculture locale.
«L'agriculture est assujettie aux règles de commerce de l'Organisation mondiale du commerce. Le système de gestion de l'offre est remis en question, tout comme les programmes d'aide financière, dit Annie Marchand. Les pressions sont fortes pour que l'agriculture se libéralise et qu'une seule aide de dernier recours, liée par exemple à des conditions météorologiques difficiles, subsiste.»
Mais le spectre d'un marché libre amène certains agriculteurs à envisager grossir leur exploitation. «Sans gestion de l'offre, dans le cas du lait par exemple, il y a un encouragement à acquérir la ferme de son voisin pour devenir plus gros et plus concurrentiel dans un marché qui pourrait s'ouvrir, si jamais les quotas tombent, ajoute Annie Marchand. On assiste à une course à la terre agricole et à l'acquisition de fermes.»
Selon elle, cette situation met les agriculteurs en compétition plutôt que de les inciter à innover et à se tourner vers des productions à plus petite échelle.
La question de la relève au sein de certaines exploitations familiales est souvent à l'origine d'importants conflits générationnels. Au moment de céder une ferme familiale, des luttes s'opèrent entre la jeune génération innovatrice et les anciens propriétaires plus conservateurs.
«D'un côté, les jeunes, plus formés et habitués à l'excellence et à la performance scolaire, adoptent facilement la course à l'expansion. Pas nécessairement dans le but d'accumuler des avoirs, mais pour améliorer leur qualité de vie, précise-t-elle. En devenant plus gros, ils peuvent embaucher des employés et avoir davantage de temps libre», précise Annie Marchand.
«De l'autre côté, les plus âgés sont plus accrochés à l'épargne et aux pratiques physiques, poursuit-elle. Un jeune agriculteur m'a raconté qu'il avait droit à des reproches s'il refusait de faire certaines tâches manuellement. Son père lui disait : “Si ce n'est pas fait à la pelle, ce n'est pas bon!”»
«Dans la plupart des fermes que j'ai visitées, la relève a hérité de ses prédécesseurs, raconte-t-elle. Les cédants désirent vivre une retraite confortable alors que la relève souhaite s'endetter le moins possible. Cela crée une dette de dépendance qui soumet les nouveaux propriétaires à continuer de laisser les cédants participer à certaines décisions.»
Ainsi, les anciens propriétaires restent dans l'environnement de la ferme et certains gardent même quelques actions. «Le don doit être compris comme un espace de reconnaissance mutuelle et du désir de voir l'autre perpétuer l'entreprise, ce qui n'est pas toujours évident à appliquer», souligne Annie Marchand.
Sur le plan agroenvironnemental, les agriculteurs sont conscients de leurs impacts. «Ils ont changé leurs pratiques et cherchent toujours à les modifier, dit l'étudiante. Tous font appel à des conseillers. Ils ont par eux-mêmes, par exemple, élargi les bandes riveraines. La prise de conscience est là, mais ils souhaitent aussi que l'on reconnaisse leurs efforts.»
Une autre facette qui démontre que la quête de reconnaissance des agriculteurs se joue sur plusieurs fronts.
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